Soutien, ou désaveu ?

cul de sac

Trois fois que je réécris cette première phrase, alors autant l’enlever. Deux mois pour que le Motif publie en ligne, discrètement, le rapport qu’il a commandé. Six mois de travail, neuf prévus mais trois oubliés apparemment, 50 entretiens, deux conférences dont une avec Bob Stein dont le public qui n’était pas présent ce jour-là ne saura malheureusement rien alors que le texte est traduit, transcrit, la conf filmée. De l’usage de l’argent public.

Je vous laisse juges :

Dans le cadre de ses travaux sur le livre numérique, le MOTif a commandé à Constance Krebs, un rapport sur l’histoire et les enjeux du numérique qui est désormais en ligne.

Editrice en ligne, pionnière du livre numérique avec la maison d’édition 00h00.com, aujourd’hui disparue, il nous a semblé pertinent de demander à Constance Krebs de retracer l’histoire du numérique, d’en définir les enjeux actuels et de recueillir l’opinion d’une cinquantaine de personnalités du monde du livre et de la bouquinosphère.

Nous avons laissé Constance Krebs s’exprimer librement sur les conclusions qu’elle tirait de son travail. Le MOTif n’en partage pas pour autant toutes les conclusions, ni a fortiori les recommandations, mais en tant qu’observatoire, le MOTif souhaite apporter cette contribution au débat public.

Ce document est pour nous un élément de plus, à l’instar de l’étude EbookZ ? sur le téléchargement illégal, qui doit nourrir les nombreuses réflexions en cours.

J’insiste pourtant sur les recommandations, qui sont vitales pour la profession. Nous changeons d’ère. La casse sera sans précédent. Mais je crois que d’autres le comprennent, qui savent que libraires, éditeurs, diffuseurs et auteurs n’ont qu’à se mettre au diapason des lecteurs, aujourd’hui en ligne, et gages de qualité (si, si). Tout simplement. On n’arrête pas la mer.

Le MOTif remplit sa mission d’observatoire. Il observe. Cependant, j’aurais aimé connaître ses points de désaccord. Pour qu’un débat public s’installe, il faudrait des pistes ; pointer les arguments qui appellent leurs contre-arguments. Apporter la contradiction. Mettre en perspective. Or voici le problème : aucun débat contradictoire n’a été apporté par l’observatoire.

Quel débat donc ? Le débat est-il si criant d’actualité quand Google Edition arrive ? Quel débat quand tout ce qui est écrit dans ce rapport provient du terrain, quand tout ce qui y est relaté est actuellement en place sur la toile ? Quel débat quand rien de ce que j’ai écrit ne constitue une opinion ? Il n’y a aucune doxa dans ce rapport, il n’y a que des faits. En revanche cet observatoire qu’est le MOTif montre tout un paradoxe dans l’injonction incantatoire du débat sans enjeu avancé : débattez, nous ne sommes pas d’accord mais nous vous dirons notre opinion à l’issue des débats. Quelles raisons peut-on encore trouver à discuter dans ces conditions ? Pour quels motifs ?

Certes, nul ne peut tout savoir, mais une institution qui cache les choses, qui ne les met pas en valeur quand bien même elle les a commanditées porte la responsabilité d’une analyse à courte vue, ou d’une absence d’analyse. Quelle position prend le Motif ? On aurait pu envoyer quelqu’un au bout des idées analysées dans ce rapport, laisser son auteur développer les recommandations et préconisations pour l’avenir d’une profession devant la presse, les élus, ladite profession pour susciter le débat justement : on a préféré n’en rien faire. Je crois sincèrement défendre les libraires en donnant les éléments de la réalité ; je crois, avec autant de sincérité, défendre les bibliothécaires, auteurs, éditeurs et les distributeurs de même. Il faut que l’ensemble de la profession soit au courant de ce qui advient, ici et maintenant, et que je décris. Il ne s’agit en aucune manière de prospective. À la lecture de ce rapport, le véritable débat consiste en une seule question : Et maintenant qu’on sait ce qui est en jeu, que fait-on ? Comment ré-agir ? Les recommandations visent à apporter des éléments de réponse.

Constance Krebs, 27 octobre 2009.


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